En 1673, François Poullain de la Barre écrit De l’Egalité des deux sexes, discours physique et moral où l’on voit l’importance de se défaire des préjugez. Ce dernier est un philosophe cartésien et féministe du XVIIe siècle. Il proclame que « l’esprit n’a point de sexe ».
En cette Journée Internationale des Droits des Femmes, nous vous proposons de revenir sur des femmes, dont les découvertes ont permis de changer la face du Monde. Parmi elles, vous découvrirez des femmes dont l’implication a été minimisée, voire pire, effacée.
Poullain de la Barre écrit son ouvrage en 1673, mais il est évident que les femmes n’ont pas attendu ce bon François pour commencer à s’impliquer dans les sciences ! En effet, l’égyptologue égyptien Selim Hassan publie ses recherches en 1930. Il s’attarde sur une plaque retrouvée sur un site archéologique à Gizeh. Cette dernière parle d’une certaine Peseshet qui y est décrite comme « Superviseuse des Doctoresses » et est considérée comme la première femme médecin connue de l’histoire de l’Humanité. Hassan estime qu’elle a vécu 2700 ans avant notre ère. Bien que rien ne permet de certifier qu’elle était elle-même médecin, son titre ne laisse aucun doute sur l’existence de femmes médecins en Égypte antique.
Passons à une invention utile en chimie ou en cuisine, le bain-marie ! Cet outil permet de faire chauffer quelque chose de manière douce et uniforme. Son invention est attribuée à Marie la Juive, une alchimiste du 3ème siècle avant notre ère. Il semblerait que cette technique soit déjà utilisée avant elle mais elle l’ai popularisé, ainsi que d’autres instruments qu’elle décrit sans son traité Sur les fourneaux et les instruments.
Voyons rapidement quelques autres scientifiques antiques : au 8ème siècle avant notre ère, la chimiste assyrienne Tapputi-Belet-ekalle, qui veut dire « Assistante de la Dame du palais » est la parfumeuse du Roi d’Assyrie (situé en Mésopotamie). On retrouve des tablettes avec son nom où sont inscrites des listes d’ingrédients et des techniques pour faire des parfums. Au 3ème ou 4ème siècle avant notre ère, une alchimiste égyptienne, Cléopâtre l’Alchimiste (c’est un nom d’emprunt. A ne pas confondre avec Cléopâtre VII Philopator, Reine d’Egypte qui a vécu 300 ans après) invente l’alambic, outil encore utilisé pour la distillation. Enfin, nous pouvons citer Mariam al-Ijliya, une fabricante reconnue d’astrolabes du Xe siècle. L’astrolabe était un instrument qui permettait entre autres de déterminer, grâce à la position des étoiles, les longitudes et les latitudes.
Nous allons maintenant nous attarder plus en détail sur les travaux de quelques scientifiques ! Commençons directement par nulle autre que Marie Skłodowska-Curie, première femme à recevoir un Prix Nobel (en 1903) et même la seule à en avoir deux ! D’abord une courte biographie : Marie naît en Pologne à Varsovie en 1867. Elle finit ses études secondaires en Pologne, elle y obtient la meilleure note. Elle part pour Paris en 1891 pour faire des études supérieures, cela étant interdit aux femmes en Pologne à ce moment-là. Elle s’inscrit à la Faculté des Sciences où elle obtient sa Licence de Physique en 1893 en étant première promotion (parmi plus de 750 étudiants) et sa Licence de Mathématiques en 1894 en étant deuxième de sa promotion ! C’est en 1894 qu’elle rencontre Pierre Curie avec lequel elle se marie un an après, mais elle ne va pas travailler avec lui tout de suite, il est pris par ses travaux sur la piézoélectricité et ne la rejoindra qu’en 1898.
Pour la petite histoire, la Faculté des Sciences de Paris a existé jusqu’en 1970, année à partir de laquelle elle est démantelée et divisée entre les Universités Paris VI (Pierre et Marie Curie, c’est l’ancêtre de l’endroit où opère ACID-SU 😉 ), Paris VII (Paris-Diderot), Paris XI (Paris-Sud), Paris XIII (Paris-Villetaneuse).
Intéressée par les travaux d’Henri Becquerel et ses rayons de Becquerel, elle décide de faire sa thèse sur ces rayonnements. Sa thèse a pour nom Recherches sur les substances radioactives. Elle parvient à obtenir un financement qui lui permet de faire venir plusieurs tonnes de pechblende (UO2) à Paris, mais aussi d’autres minerais radioactifs fournis par des collègues. Elle observe que le pechblende est 4 fois plus radioactif que l’uranium et la chalcolite l’est 2 fois plus, ce qui est anormal car contenant de l’uranium, ils sont censés avoir la même radioactivité que lui. Elle décide donc de synthétiser elle-même sa chalcolite, elle en connaîtra ainsi sa composition exacte car le minerai serait synthétisé à partir de substances pures. La radioactivité est ensuite mesurée et il est observé qu’elle est exactement comme attendue. Marie en déduit que cette forte activité chez les minerais naturels est due à la présence infime d’une « matière fortement radioactive, différente de l’uranium, du thorium et des corps simples actuellement connus » en plus de ceux cités (Thèse de Marie Curie). Il lui vient alors l’idée d’extraire cette fameuse matière. En séparant les éléments du pechblende, Pierre et Marie Curie parviennent à découvrir l’existence dans ce minéral d’un élément qu’elle nomme polonium et un autre, radium (découvert avec Gustave Bémont).
« Nous croyons donc que la substance que nous avons retirée de la pechblende contient un métal non encore signal, si l’existence de ce nouveau métal se confirme, nous proposons de l’appeler ‘Polonium’ du nom du pays d’origine de l’un d’entre nous »
Pierre Curie et Marie Sklodowska-Curie, Comptes rendus de l’Académie des sciences, 18 juillet 1898
Marie Sklodowska-Curie gagnera le Prix Nobel de Physique avec Pierre Curie et Henri Becquerel en 1903 pour la découverte et les travaux sur la radioactivité, ainsi que le Prix Nobel de Chimie en 1911 pour sa découverte du polonium. Au moment de la rédaction de cet article, on compte 954 lauréats et lauréates du Prix Nobel (les différentes organisations ayant reçu le Prix Nobel ne sont pas comptées ici). Parmi ces 954 récipiendaires, seuls 5 en ont reçu deux ! Et parmi ces 5 double Prix Nobel, seule 1 l’a reçu dans deux disciplines scientifiques différentes : Marie Sklodowska-Curie !
À partir de 1918, Marie Curie prend comme préparatrice une femme qu’elle connaît très bien, sa fille Irène. Dès 1920, ayant obtenu une licence de physique et de mathématiques, Irène Joliot-Curie devient l’assistante de sa mère à l’Institut du Radium. Elle soutient ensuite une thèse sur les rayons alpha du polonium. Avant de travailler ensemble en laboratoire, Marie et Irène Curie sont allées ensemble sur le front pendant la guerre où elles utilisaient des unités de radiologie portables pour détecter précisément des projectiles reçus par les blessés.
Irène et Frédéric Joliot-Curie travaillent tous deux sur la radioactivité naturelle. Cette dernière est très bien connue depuis que Becquerel, Pierre et Marie Curie l’ont mise en évidence. Sa thèse portant sur ce sujet, Irène arrive à produire un rayonnement alpha (c’est une émission de noyaux d’hélium) qu’elle utilise pour bombarder de l’aluminium. Les deux scientifiques remarquent que lorsque l’aluminium est proche de la source, il émet des neutrons et des électrons positifs. Mais quand la source est éloignée, l’émission de neutrons s’arrête mais l’émission d’électrons positifs continue : une espèce radioactive a été formée. À cette époque on sait déjà compter les protons et les neutrons donc Irène et Frédéric Joliot-Curie ont pu apporter une réponse au mystère de la formation d’une espèce radioactive ! Quand le décompte des nucléons est fait, ils remarquent que les atomes en présence ont 15 protons et 15 neutrons (alors que l’aluminium est censé avoir 13 protons et 14 neutrons). Ils concluent que le noyau d’hélium du rayonnement alpha a une énergie suffisante pour rentrer dans le noyau d’aluminium mais qu’en arrivant il expulse un neutron (d’où l’émission de neutrons pendant le bombardement). Les atomes bombardés ne sont plus des aluminiums mais des phosphores 30, ces derniers n’existent pas à l’état naturel car trop instables, ils ne peuvent perdurer que quelques minutes => les Joliot-Curie viennent de synthétiser des éléments radioactifs, créant donc la radioactivité artificielle. Cette découverte leur vaudra le Prix Nobel de Chimie en 1935 !
Suite à cela, elle va continuer à s’intéresser aux radioisotopes dans le but d’en trouver certains qui pourraient être utiles dans la médecine. Dans le cadre de ses recherches, elle bombarde des neutrons sur des éléments lourds et passe très près de découvrir la fission nucléaire ! Ses travaux sont repris par Lise Meitner, Otto Hahn et Friedrich Strassmann qui découvriront la fission nucléaire.
Dans un contexte historique très chargé, les chimistes allemands Hahn et Strassmann présentent les résultats de ces travaux. Mais la physicienne autrichienne Elise « Lise » Meitner n’est pas citée (probablement pour une raison politique, au vu du contexte historique). Les deux chimistes allemands font interagir des neutrons et de l’uranium. Là où ils s’attendent à obtenir un atome plus lourd (c’est en tout cas ce qu’ils cherchent à faire), ils obtiennent un atome plus léger, le baryum. Ils envoient leurs observations à Lise Meitner qui est réfugiée en Suède. Grâce à ces informations et au modèle atomique de Bohr, Meitner parvient à donner une explication au phénomène ! Elle et son neveu Otto Frisch pensent que c’est l’atome d’uranium qui est coupé en deux. Ce découpage libère une grande quantité d’énergie : elle vient donc d’expliquer la fission du noyau d’uranium !
Lise Meitner, qui a pourtant participé aux recherches sur place puis par correspondance, a été oubliée par le comité d’attribution du Prix Nobel lors de l’attribution du Prix Nobel de chimie en 1944.
Ce phénomène de minimisation ou d’effacement de la contribution des femmes à la recherche et aux découvertes porte un nom : l’effet Matilda.
Il existe des dizaines d’exemples, mais parlons du plus notable qui parlera à beaucoup de personnes. Le 25 avril 1953, la revue scientifique Nature publie 3 articles qui parlent de la structure de l’ADN : l’Humanité, qui connaissait déjà le rôle de l’ADN, commence à découvrir cette molécule qui constitue son propre code génétique. Parmi les 3 articles, celui de James Dewey Watson et Francis Crick est le plus populaire, il énonce que l’ADN à une structure soit hélicoïdale, soit en tire-bouchon.
Le rapport avec l’effet Matilda ? C’est en fait Rosalind Franklin qui utilise une technique de diffraction des rayons X avec son étudiant Raymond Gosling pour prendre le « cliché 51 » qui lui permet de conclure sur la structure de l’ADN. Alors qu’elle va changer de laboratoire, son supérieur insiste pour que les résultats de ses travaux restent avec lui. Sur le départ, elle partage le cliché avec son collègue Maurice Wilkins… Qui va, sans l’autorisation de Franklin, la donner à Crick et Watson ! Ce cliché a permis de conclure sur la structure de l’ADN.
En 1962, Crick et Watson reçoivent le Prix Nobel de médecine et de physiologie pour « leur » découverte. Il est à noter que Rosalind Franklin est décédée en 1958, elle n’aurait pas pu obtenir le Prix Nobel puisque ce dernier ne peut être décerné qu’à des personnes vivantes. Le problème réside principalement dans le fait que ni Crick, ni Watson n’ont eu le moindre mot sur la contribution de Rosalind Franklin. Une seule mention dans leur premier article l’évoque très rapidement. Watson avouera plus tard qu’il leur aurait été impossible de conclure sans les résultats de Franklin, résultats dont il avait connaissance sans que personne d’autre dans le King’s College ne le sache.
Nous n’avons bien évidemment pas pu faire un portrait complet de ces scientifiques et de leurs travaux, ni parler d’autres qui le méritent tout autant ! C’est pourquoi cet article pourrait bien avoir une suite avec l’histoire de femmes peut-être moins connues du grand public mais dont les travaux ont grandement participé à faire notre Monde ! En attendant, terminons par une autre phrase de François Poullain de la Barre : « Les femmes sont aussi nobles, aussi parfaites et aussi capables que les hommes »
Cet article a été rédigé par Nohman ARSHAD IQBAL et relu par des membres d’ACID-SU, Marie GADOIS et Léa GHRENASSIA. Toute critique, retour, commentaire ou correction est bonne à prendre pour nous. N’hésitez donc pas, cela nous permettra de nous améliorer !